264r

[264ra] seconde requeste des communaultez de Lusebonnea, et respondi :

« “Bonnes gens, je sçay bien que de bonne volenté et par grant affeccion que vous avez a moy vous me offrez la couronne et seigneurie de Portingal, qui est grant chose. Et si dictes, et aussi fay je, que je y ay aussi grant droit ou plus que ma cousine la royne de Castille, la fille Alienor de Coigne, car voirs est que elle est bastarde – [et] en­cores vit son marib qui est en Castille – mais il y a un point : vous ne pouez pas tous seulz et singu­liersc mettre sus ce fait ne ceste besoigne. Il fault que les nobles de ce royaume, tous ou partie, s’i accordent.

« – Haa ! respondirent cilz de Lusebonne, nous en aurons assez, car ja savons nous les couraiges de pluseurs qui se sont descouvers a nous, et aussi de trois citez de ce royaume qui y sont les principaulx avecques nous : Evre, Connim­bres et le Portd de Portingal.”

« Adoncques respondi le roy qui est a pre­sent et dist :

« “Or soit ainsi. Je vueil ce que vous voulez. Vous savez comment madame Alienor qui se dit royne de ce paÿs est encores en ceste ville, et a avecques li son conseillier messire Jehan Ferrant Andere qui veult garder la couronne et l’eritaige de Portingal a la royne de Castille, et sera pour lui en tous estaz, car il la maria au roy de Castille, et la desmaria1 au filz du conte de Cantebruge pour faire la paix de Castille et de Portingale. Et a mandé, espoir, ou mandera le roy de Castille que il viengne hastivement fort assez pour combatre et soubzmettre tous ses rebelles, et ja en a Jehan Ferrant Andere fait fait et partief, si comme vous savez, [264rb] et fera encores plus plainementg au jour de l’obseque de monseigneur mon frere le roy, le quel on fera prochainement en ceste ville, ou tous les nobles ou partie, se ilz ne s’escusenth, de ce paÿs seront. Si se fault pourveoir et adviser selon ce.”

« Dont respondirent cilz qui en la presence de ce maistre [d’Avis] estoient :

« “Vous ne dictes pas grant merveille, car nous savons moult bien qu’il est ainsi. Si y pour­verrons a ce jour telement selon ce que nous orrons Jehan Ferrant Andere parler, que vous vous en apparceverez.”

« En ce point fina leur parlement.

« Nei demoura gueres longuement que on fist l’obitj du roy Ferrant de Portingal a Luse­bonne en l’eglise de Saint François, la ou il gist. Et la furent grant foison des nobles du royaume de Portingal, car ilz en estoient priez depar la royne, et Jehan Ferrant Andere qui gouvernoit la royne. Et la fu le roy qui est a present2 et grant foison des communaultez du paÿs, et par especial des trois citez dessus nommees, Connimbres, Evre, et le Port de Portingal, car elles se concordoient avecques ceus de Lusebonne. L’obitk du roy Ferrant fait, Jehan Ferrant Andere fist prier depar la royne aux nobles de Portingal qui la estoient que point ne se voulsissent partir de Lusebonne ce jour ne le lendemain, car il vouloit avoir avecques eulx parlement, et aussi aux bonnes villes, pour savoir comment on se cheviroit de mander en Castille le roy Jehan et sa femme, madame Bietrix leur dame, car elle estoit heritiere de son droit du royaume de Portingal. Tous les nobles, ou partie, qui oïrent ces parolesl, n’en firent compte, mais

  1. Nous avons vu que la princesse Béatrice avait été promise à Édouard de Cambridge, fils du comte Edmond.
  2. João 1er, qui régna jusqu’en 1433.