230v

[230va] devisé et promis aux Portingalois, et vindrent en la cité de Londres et descendirent a leurs hostelza.

Or eurent ces deux seigneurs et les Portinga­lois derechief grant parlement ensemble, car le conte de Cantebruge qui avoit esté en Portingal [et] qui trop malb s’estoit contentez et contentoit encores du roy Ferrant1, mort, de Portingalc, car trop laschementd il avoit guerroié, et oultre la volenté des Anglois il s’estoit accordez aux Espai­gnolz, si faisoit doubte le dit conte que aux parle­mens2 de la Saint Michiel le conseil du roy d’An­gleterre et la communauté du païs ne se voul­sissent pas legierement assentir a faire un voiage en Portingal, quant on y avoit alé et envoyé gran­dement, et avoit cousté au royaume d’Angleterre cent mil frans, et si n’y avoient riens fait. Les ambassadeurs de Portingal concevoiente bien les paroles du conte et disoient :

« Monseigneur, adonc fu, or est a present autrementf. Nostre roy, cui Diex pardoint a l’ame3, resoignoit tant les fortunes que nul plus de li, mais nostre roy de present4 a autre em­prinse et yma­ginacion, car se il se trouvoit sur les champs a moins de gens trois foisg que ses enne­mis ne feussent, si les combatroit ilh a quelque fin que il en deust venir. Et de ce vous asseurons nous loyau­ment. Avecques tout ce, messeigneurs qui ycy estes, vostre querelle est toute clere a guerroier et couriri le royaume de Castille et a le gaignier, car l’eritage en appartient a voz femmes et enfans, et pour le conquesterj vous ne pouez avoir entree en Castille de nul costé qui tant vous vaille comme ceste de Portingal, puis quek vous avez le païs d’accort5. Si rendez paine que li un de vous y viengne si poissamment que avecques ceulx que vous trouverez ou païs, (que) vous puissiezl tenir les champs. »

Le duc de Lencastre respondi :

« Il ne tient pas a nous, mais au roy et a son conseil [230vb] et au paÿs d’Angleterre, et nous en ferons nostre puissance. De ce devez vous estre tout certainsm. »

En cel estat finerent ilz leur parlement, et demourerent li Portingalois a Londres attendans la Saint Michiel, et le duc de Lencastre et le conte de Cantebruge retournerent en leurs maisons sur le païs d’Angleterre en la marche du Northn. Or vint la Saint Michiel et le parlement a Wesmoustiero, et approcha le roy la contree de Londres et s’en vint a Windesore6 et de la a Quartesee7 et puis a Coues8 p, et tousjours, ou que il aloit, le suivoit la royne sa femme9, et aussi tout son cuer le conte d’Asquesuffort10, car par cellui estoit tout fait, et sans lui n’estoit riens fait.

En ce temps que je parole estoient les guerres en Flandres entre le duc de Bourgoigne et les Gantois11, et estoient nouvellement retournez en Angleterre li evesque de Nordich12, messire Hue de Cavrelee, messire Guillaume Helmen13, messire Thomas Trivet et li autre qui avoient en cel esté tenu le siege avecques les Gantois devant Yppre14. Et puis vint la le roy de France et les enclouy en Bourbourc15, si comme il est contenu ci dessus en nostre histoire, mais il y avoit trieuves16 entre les Flamens et les François et les Anglois durans jusques a la Saint Jehan Baptiste, mais li Escoçois faisoient guerre, pourquoy les Angloizq se veoient moult entortilliezr, et ne sa­voient au quel entendre, car aussi le conseil de Gand estoit a Londres, qui requeroient a avoir un gou­verneurs pour aidier a soustenir et a garder leur ville, tel comme l’un des oncles du roy17 ou le conte de Salebery18. Aux parlemens19 qui furent en celle saison a Londres ot pluseurs consaulx et paroles gettees et reïtereest, tant pour les Fla­mens que pour le païs de Portin–

  1. Le roi Fernand mourut en 1383.
  2. Le Parliament anglais.
  3. Fernand.
  4. Jean 1er.
  5. Les ambassadeurs portugais encouragent les ducs à envahir la Castille afin de réclamer les droits de leurs femmes au trône castillan. Faire la guerre à la Castille aiderait aussi le nouveau roi de Portugal. Les ambassadeurs soulignent, donc, qu’une invasion venant du Portugal devrait réussir, étant donné que les Anglais auraient l’appui du peuple portugais (voir P.E. Russell, The English Intervention in Spain and Portugal in the Time of Edward III & Richard II, Clarendon Press [Oxford, 1955], Ch. XV).
  6. Windsor, château fort royal situé à l’ouest de Londres, dans le Berkshire (Grande-Bretagne).
  7. Chertsey, abbaye au bord de la Tamise au sud-ouest de Londres (Grande-Bretagne).
  8. Sheen, manoir royal près de Richmond, au sud-ouest de Londres (Grande-Bretagne).
  9. Anne, fille de Wenceslas de Bohême, avait épousé Richard II en 1382. † à Sheen en 1394.
  10. Froissart souligne l’influence exercée sur le jeune roi par Robert de Vere, comte d’Oxford ; voir notre Jean Froissart and the Fabric of History, Clarendon Press [Oxford, 1990], 197-200).
  11. Gand fut en révolte contre Philippe, duc de Bourgogne, entre 1379 et 1385.
  12. En 1383, Hugh Despenser, évêque de Norwich, avait mené une expédition militaire en Flandre sous le nom de croisade contre les adhérents de la papauté avignonnaise, mais en réalité contre l’influence française en Flandre.
  13. Sir William Elmham participa à la guerre en Flandre en 1383.
  14. Ypres, chef-lieu d’arrondissement de la Flandre-Occi­dentale (Belgique), assiégé juin-août, 1383.
  15. Bourbourg, chef-lieu de canton (Nord), septembre 1383.
  16. Du 26 janvier au 29 septembre 1384.
  17. Les ducs de Lancaster, York (ancien comte de Cambridge) et Gloucester (ancien comte de Buckingham).
  18. John Montagu, comte de Salisbury. † 1400.
  19. Le Parliament se réunit le 26 octobre 1383.