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[231ra] –gala, et aussi pour les Escoçois1 qui leur faisoient guerre. Le duc de Lencastre esp[ec]iaumentb tiroit a ce que il peust avoir une bonne charge de gens d’armes et d’archiersc pour mener en Portingal, et demonstroit aux prelas et aux barons et au conseil des commu­naultez des villes d’Angleterre com­ment on estoit tenu par foy, serement et aliance juree a lui aidier, et son frere, a recouvrer leur heritaige de Castille qui se perdoit. Et ce leur avoit on promis quant leur cousind le roys fu couronné. Et apparoient toutes ces choses par lettres seel­lees. Et encore se complaignoit le duc du grief que on leur faisoite, quant tant on y avoit mis au faire, et que voirement son frere le conte de Cantebruge, selon ce que on lui avoit promis quant il ala en Portingal, on luif avoit petitement tenu ses couve­nances, car on lui devoit envoier deux mil lances et autant d’archiers, et riens n’en avoit esté fait, pourquoy la querelle de leur propre droit heritaigeg estoit bien mise arriere.

Les paroles et demonstrances du duc de Lencastre estoient bien oïes et entendues, c’estoit raison. Et disoient les plus notables du conseil que il avoit droit, mais les besoignes de leur royaume qui plus pres leur touchoient devoient aler devant li. Aucunsh vouloient que sa volenté feust acom­plie, et li autre remonstroient et disoient que on feroit un grant oultrage se on desnuoit le royaume d’Angleterre de .ijm. hommes d’armes et de .iiijm. archiers pour envoier si loing comme ou royaume de Portingal, car les fortunes de mer sont per­illeuses et perversesi, et li air de Portingal chault et merveilleuxj. Et se le paÿs d’Angleterre estoit afoibloiék de tant de gens, ce seroit un dommaige sans recouvrance. Nonobstant [231rb] tous ces poins et argumens de toutes les doubtes que mettre n’y avenir y pouoientl, il fu adonc ordonné que a l’esté le duc de Lencastre passeroit la mer, et auroit en sa compaignie .vijc. lances et .iijm.m archiers, et seroient paiez tous ceulx qui en ce voyage yroient pour .j. quartier d’an. Mais on reser­va que, se autres accidensn touchans au royaume d’Angleterre, mouvans du royaume de France ou du royaume d’Escoce leur venoient entredeuxo, le royaumep de Portingal devoit estre retardé. Le duc de Lencastre s’accorda a ce, car autre chose il n’en pot avoirq.

Or savez vous, si comme il est contenu cy dessus en l’istoire, que quant le duc de Lencastre ot toutes ses gens appareilliés, et ses nefs prestes a Hantonne2 pour faire son voiage en Portingal, et que li ambassadeurs de Portingal3 furent retournez a Lusebonne et orent apporté certaine veritér de toutes ces besoignes, et comment le duc de Lencastre devoi[t] venir et quele charge de gent lui estoit baillie, dont li Portingalois avoient grant joie, un grant empeeschement vint en Angle­terre, pourquoy il couvint son voyage retarder par aucun tempss, car li admiral de France messire Jehan de Vienne4 atout mil lances de bonnes gens d’armes monta en mer a l’Escluse5 et ala en Escoce et fist guerre en Angleterre, dont le roy d’Angleterre et tout le paÿs alerent au devant6. Et est contenu tout justement cy dessus en l’istoire, si n’en ay que faire d’en parler .ij. fois, mais vueil parler du siege de Lusebonne et du roy d’Es­paigne, pour revenir a ma matiere et faire de tout juste enarracion selon ce que j’en fu adonc enfor­mezt 7.

Le roy damp Jehan de Castille estant a siege devant Lusebonne, nouvelles vindrent en son hostu par marchans de son païs qui venoient de Flandres et de Bruges, comment le duc de Len­castre s’apparilloit et

  1. L’Écosse fut l’objet d’une grande activité militaire anglaise en 1384 et 1385.
  2. Southampton, port sur la Manche (Hampshire, Angleterre).
  3. Selon Mirot (SHF XII, p. xl, n. 12), au début de 1384, João Cabeca de Vaca, évêque de Coïmbra, aurait été envoyé à Londres en ambassade. Les ambassadeurs envoyés en Angleterre au mois de juillet suivant furent Pedro Fernandez Cabeca de Vaca, grand maître de Saint-Jacques, Fernando Lopez d’Albuquerque et Lourenço Anez Fogaça (ibid., p. vi, n. 2).
  4. Jean de Vienne mena une expédition en Écosse en 1384. Il devait mourir à la bataille de Nicopolis en 1396.
  5. L’Écluse, Sluys ou Sluis, port aujourd’hui ensablé à l’ouest de Bruges, près duquel (en juin 1340) Édouard III remporta une victoire navale contre la flotte française.
  6. Richard II mena une expédition contre les Écossais et leurs alliés en 1385.
  7. Cette remarque trahit bien la confiance du chroniqueur quant à l’agencement et l’entrelacement de chacun des fils de son récit.