[260va] et qu’il feust receuz en la cité de Lusebonne a son retour de la bataille, a grant gloire de tout le peuple et a grant triumphe, la couronne de lorier ou chief, si comme anciennement souloient li roy faire quant ilz victorioient et vainquoient ou desconfisoient un roy en bataille, et en ot en la cité de Lusebonne jouéa et tenu grant feste avant le departement des barons et chevaliers qui la estoient, et les consaulz des bonnes villes et citez du dit royaume, un parlement fu fait, adjousté pour avoir certaines consultacions et advis des besoignes du royaume, et comment a leur honneur ilz se pourroient chevir et perseverer, et tenir leur opinion ferme et estable et en honneurb, car si comme aucuns saiges du paÿs disoient, Or a primes venoit le fort de regarderc entr’eulz et avoir conseil comment ilz se pourroient telementd fortifier contre le roy de Castille et sa puissance que ilz demourassent honnourablement en leur victoire, et que tousjours ilz lee peussent multiplier et exaulcier. A ce parlement qui fu a Lusebonne en l’eglise cathedral que on dit de Saint Dominique1 ot pluseurs paroles proposees et recitees et mises avant, lesquelles ne font pas toutes a reciter ne a recorder, mais l’arrest du parlement fu tel que on envoieroit en Angleterre devers le duc de Lencastre qui se claimoit heritier du royaume de Castille depar madame Constance sa femme, la quelle avoit esté fille ainsnee du roy damp Pietre2, et lui escriroit on ainsi que se jamais il vouloit clamer droit au royaume de Castille ne ses besoignes remettre sus qui avoient esté un long temps en balance et en aventure d’estre perdues, que il venist en Portingal atout une bonne chevauchief de gens d’armes et [260vb] d’archiers, car il en estoit temps et heure3. Lors fu la dit et parlementé par beau langaige du conte de Novare, connestable de Portingal :
« Puisque nous sommes d’accord d’envoier en Angleterre devers le duc de Lencastre, dont nous pensons a estre aidié et conforté, et que ce nous est la voie la plus proufitable pour donner doubte et crainte a noz ennemis, si regardons et advisons en nostre royaume hommes saiges et notables qui puissent faire ce messaige, et telement enfourmer le duc de Lencastre et son conseil que il viengne en ce païs de grant volenté et fort assez pour resister a noz ennemis, avecques l’aide que il aura de nous, car nous devons bien prendre, croire et supposer que le roy de Castille se fortifiera grandementg du roy de France et des François, car ilz ne se scevent ou employer ; ilz ont trieuves aux Angloiz jusques a la saint Jehan Baptiste4, et les Angloiz a eulx, et encores ont les François bonne paix et ferme aux Flamens qui moult les ont embesoigniez et occupez par pluseurs anneesh 5. »
La fu la parole du conte de Novaire acceptee, et fu dit qu’il parloit bien et a point, et que on feroit ainsi. Lors furent nommez par deliberacion de conseil et arrest, que le grant maistre de Saint Jaque du royaume de Portingal6 et Laurencien Fougasse7, un moult sage et discret escuier et qui bien et bel savoit parler françois, iroient en ce messaige en Angleterre, car [a l’avis] du conseili du roy de Portingal on n’y pouoit envoier pour le present gent qui point mieulx saroient faire la besoigne. Si furent
- Il s’agirait le plus vraisemblablement de Sé (église cathédrale de Lisbonne datant du XIIe siècle), mais il y avait bien un monastère de S. Domingos pas loin de la cathédrale.
- Jean de Gand (1340-99 ; « John of Gaunt »), fils d’Édouard III, roi d’Angleterre, prétendait au trône de Castille par le droit de sa femme, Constance, fille aînée de D. Pedro 1er, roi de Castille, mort en 1369. Voir toujours Anthony Goodman : John of Gaunt : the exercise of princely power in fourteenth-century Europe, Longman (Harlow, Essex, 1992).
- Les Portugais se déclarèrent prêts à rendre service au duc de Lancaster contre leurs ennemis castillans.
- Le 24 juin 1386.
- Froissart tire notre attention sur ceux à qui la paix et les trêves empêchent de gagner leur vie en faisant la guerre.
- Fernando Afonso de Albuquerque, maître de l’ordre de Santiago au Portugal.
- Lourenço Anes Fogaça, chancellier de Portugal.