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ung sien oncle depar sa dame de mere, qui estoit de ceulx d’Ercle et archevesques de Couloingne; et luy dist ainsy en destroit conseil: "Renault, biau cousin, vous avéz tant fait que vous vous trouvéz ung povres homs et vostres terres engaigiéz de touttes pars, et en ce monde on ne fait compte de povre seigneur. Penséz vous que ceulx qui ont eu les grans dons de vous et les grans pourfiz, les vous doient rendre? Mes Dieu, nennil; mais vous defuiront, quant ilz vous verront en cel estat que vous n’avéz plus a donner, et se trufferont de vous et des folles larguesses que vous avéz faittes, ne vous ne trouveréz nul amy. Ne penséz point pour moy et sur moy qui suy archevesques de Couloingne, que je doye rompre mon estat pour le vostre refaire, ne vous donner le patrimosne de l’Eglise. Mes Dieu, nennil; ma concience ne s’i accorderoit jamais, ne aussy le pape ne les cardinaulx ne le souffroient point. Le conte de Haynnau ne s’est mye ainsi maintenus que vous avéz esté, qui a donné Marguerite, sa aisnee fille, de nouvel au roy d’Alemaingne, Loÿs de Baviere. Encoires en a il trois, mais touttes les mariera bien et haultement. Se vous vous fussiéz bien portéz sans ainsi avoir ainsi gaigié vostre terre et hiretaige, ne mis vostres chastiaulx ne vos villes hors de vos mains, vous estiéz bien tailliéz de venir a tel mariaige, comme a l’une

des filles du conte de Haynnau; mais ens ou point ou vous estes, vous n’y vendriés jamais. Vous n’aviéz ville, chastel, ne seignourie, dont vous puissiéz doer une femme, se vous l’aviéz." ¶ Le conte de Guerles pour ce temps, des parolles de son oncle l’archevesque de Couloingne fut tous esbahis, car il sentoit bien et cognoissoit que il luy remonstroit verité. Si luy demanda, en cause d’amour et de lignaige, conseil. "Conseil !", respondy l’archevesques, "biaulx nepveux, c’est trop tart. Vous vouléz clorre l’estable quant le cheval est perdu. Je ne voy en touttes vostres besoingnes que une seulle remede." "Quel?", dist le conte. "Je le vous dyray," respondy l’archevesque. "Vous devéz au Bertau de Malignes, qui est au jour d’uy renomméz le plus riche homme d’or et d’argent qu’on sache par les grans frais et marchandises qu’il maine par mer et par terre, car jusques en Damas, ou Kaire et en Alixandre ses galees et marchandises vont, cent mille flourins; et en tient en plesge une partie de vostre hiretaige. Cil, dont je vous parolle, a une belle fille a marier et se n’a plus d’enfans. Haulx barrons d’Alemaigne et des marches par decha l’ont requis en mariaige pour eulx ou pour leurs enfans, que bien say, et ilz n’y peurent venir, car les ungs il resoingne, et les aultres il tient a trop petit. Faittéz pb 242 v