Introduction

La transcription que voici du manuscrit 865 de la Bibliothèque Municipale de Besançon est celle parue en 2013 dans le cadre du Online Froissart, revue et corrigée à la lumière d’une relecture compréhensive du manuscrit. La nouvelle version revue et corrigée sera disponible aussi sur le Online Froissart dès le printemps de 2019. Les notes sont essentiellement les mêmes que celles parues en 2007 dans le premier tome de notre édition pour les Éditions Droz dans la collection « Textes Littéraires Français »1, à l’exception de quelques adjonctions ou corrections de détail. Notre propos dans l’édition parue chez Droz avait été de fournir le texte d’un témoin complet de la « première » rédaction du Livre III choisi parmi les manuscrits subsistants estimés par nous-mêmes et nos prédécesseurs en être les meilleurs et les plus proches de ses origines. En bas de page nous avions imprimé les leçons de Bes que nous avions rejetées, confrontées à celles que proposaient deux manuscrits de contrôle. Ceux-ci avaient été sélectionnés pour avoir été copiés, comme le fut Bes, au début du XVe siècle, et parce qu’ils offraient tous deux, comme celui-ci, un texte presque complet du Livre III :

– L67, Londres, British Library, ms. Arundel 67, t. III, siglé alors « A »2.

et

– P475, Paris, BnF, ms. fr. 6475, siglé alors « B »  ; manuscrit exécuté par le copiste Raoul Tainguy.

Dans une étude parue en 2009, Godfried Croenen3 passa en revue l’histoire éditoriale des témoins manuscrits directs du Livre III et de l’édition incunable imprimée pour Antoine Vérard (siglé Ver4). Laissant de côté les manuscrits abrégés, Croenen écarta aussi de son examen P505, unique témoin de la « deuxième rédaction » du Livre III, composé selon J. Kervyn de Lettenhove après 1392 et probablement, toujours selon celui-ci, vers 14046, et adopté par L. et A. Mirot comme texte de base de leur édition pour la Société de l’Histoire de France7. Si Croenen convint que les différences entre les « première » et « deuxième » rédactions étaient indéniables8 et reconnut partant l’existence de deux rédactions – partiellement –  distinctes l’une de l’autre, il fit remarquer que P50 s’arrête après le § 307, « tandis que les autres témoins du Livre III font suivre ce chapitre d’un dernier faisant référence à la continuation du récit historique. Cette continuation ne peut être autre que le Livre IV des Chroniques ». Froissart travaillait encore au Livre IV en 1400 (certains diraient en 1403, ou en 1404 au plus tard)9, mais il l’avait entamé bien avant, dans les premiers mois de 139210. Le texte du dernier chapitre de ce que nous appellons la « première » rédaction du Livre III fut donc écrit à un moment où Froissart entamait déjà ce qui deviendrait son Livre IV. Le texte des deux rédactions du Livre III est – pour une bonne proportion de leurs chapitres respectifs, et surtout dans la première moitié du récit – quasiment identique ; pour certains chapitres, pourtant, P50 propose un texte alternatif11. On ne saurait en conclure pour autant que les deux rédactions seraient entièrement distinctes, ni que la « deuxième » aurait été composée dans son intégralité après la « première »).

Kervyn de Lettenhove n’avait connu que 22 des témoins manuscrits directs du Livre III, alors que Croenen était à même de prendre en compte aussi les manuscrits Lud12 et Cam13. Soumettant son corpus de 24 témoins directs à une analyse de leurs textes par échantillon qui interrogeait en particulier leurs variantes non-significatives, et intégrant cette étude du texte à l’analyse du paratexte (spécialement des programmes d’illustration) selon une méthodologie déjà employée pour les Livres Ier et IV par A. Varvaro14, Croenen en vint à fonder sa propre analyse sur son collationnement « d’un échantillon de 12 chapitres » prélevés sur « le début, le milieu et la fin du texte » et présentant aussi « quelque intérêt littéraire et historique  » 15:

  • 1 (prologue)
  • 45-7 (histoire du seigneur de Coarraze et de son esprit familier Horton)
  • 67-9 (prophéties du cordelier Jean de Roquetaillade, et fable du geai paré des plumes du paon)
  • 159 (histoire de Bretagne, et définition de « chronique » et d’« histoire »)
  • 177 (continuation de l’histoire de Bretagne, et quelques renseignements autobiographiques de Froissart)
  • 306-8 (derniers chapitres, le mariage du duc de Berry et le traité de Leulinghen)

Pour quelques manuscrits fragmentaires, Croenen effectua des collations supplémentaires16 et, pour neuf témoins manuscrits17 plus l’incunable Ver, une comparaison complète des rubriques18.

Le but de ce collationnement fut d’évaluer le classement des manuscrits de la « première » rédaction19. On peut en suivre le détail pas à pas dans l’étude précitée20, et nous ne le reproduisons pas ici ; il permit à Croenen d’établir un stemma codicum postulant un original perdu de la « première » rédaction auquel il donna le sigle O1, et un original perdu de la « deuxième » rédaction auquel il donna le sigle O2, P50 étant le seul témoin remontant à celui-ci. Le stemma codicum élaboré par Croenen21 éclaire l’existence de trois familles indépendantes copiées d’après O1 : la famille α (20 témoins), une famille qui comprend L67 et Cam et la famille comprenant P475 et P605) :

Pourquoi donc choisir le ms. 865 de Besançon comme texte de base d’une édition ?

Au terme de son analyse des manuscrits de la « première rédaction », Croenen conclut à l’importance et à l’ancienneté en termes philologiques de ceux datant du début du XVe siècle, à savoir L67, Cam, P475, Bes et B88 :

Pour une édition critique de la « première » rédaction du Livre III des Chroniques, il faudrait (…) préférablement choisir un texte de base parmi ce groupe. Or B88 et Cam sont très fragmentaires, et P475 est caractérisé par des interpolations idiosyncratiques du copiste Raoul Tainguy. Des deux témoins qui restent, L67 est abîmé par l’enlèvement des miniatures, ce qui a occasionné chaque fois aussi la perte d’un fragment du texte au verso. Tout cela laisse Bes comme le seul texte complet et relativement fiable.22

S’il est vrai que le texte du prologue, tel qu’on le trouve dans Bes, est abrégé par rapport à la version plus élaborée conservée dans d’autres témoins de la « première rédaction », nous croyons qu’il ne l’était pas dans le manuscrit ayant servi de modèle au copiste de Bes, mais que le libraire chargé de la confection de ce manuscrit était intervenu pour répondre à une nouvelle exigence de la part de son client au regard des miniatures : celui-ci aurait souhaité un texte plus abondamment illustré à certains endroits ; du coup, le copiste a dû faire preuve d’ingéniosité en raccourcissant son texte pour accueillir les miniatures nouvellement approuvées. Nous y reviendrons vers la fin de cette Introduction.

Dans une note en bas de page Croenen renvoie à notre édition  de 2007 dans les termes que voici :

Dans cette édition plutôt « bédiériste » les leçons de Bes sont contrôlées par celles de P50, L67 et P475. Pour une édition vraiment critique il faudrait mettre à l’œuvre aussi les leçons des deux autres témoins anciens fragmentaires, Cam et B88, ainsi que, pour les parties du texte où B88 fait défaut, les témoignages de P53 et PA89, qui sont les meilleurs représentants du reste de la famille α.

S’il est vrai que dans notre édition de 2007 nous avons renvoyé notre lecteur – mais à deux reprises seulement – à une leçon de P50, donc de la « deuxième rédaction », nous l’avons fait non pas pour mélanger de façon maladroite deux versions qui méritaient de rester distinctes en dépit de leurs homologies et leçons communes, mais pour mettre en exergue une divergence particulièrement intéressante, en ces deux occasions, par rapport au texte de la « première rédaction »23. En établissant notre texte de base de celle-ci nous avons utilisé Bes, quitte à le corriger sur nos manuscrits de contrôle L67 et P475, seuls témoins complets (sinon parfaits) parmi les manuscrits les plus anciens relevant directement de O1. Il s’agissait pour nous de fournir l’édition du texte complet d’un témoin important de la « première rédaction », accompagnée de quelques variantes significatives prélévées sur deux autres témoins complets proches du texte de Bes. Nous acceptons aujourd’hui, en revanche, l’argumentation de notre confrère concernant l’intérêt qu’il y a à recourir aux autres manuscrits subsistants de cette rédaction, tout fragmentaires que soient certains de ceux-ci, dans le but d’aboutir à un collationnement plus large et peut-être plus probant. Nous fournissons par conséquent aussi, dans l’ouvrage que voici, dans la mesure du possible et à côté des leçons de L67 et P475, celles de Cam, B88, P53 et PA89 que nous avons jugé pertinentes. Nous le faisons, non plus seulement pour corriger les mauvaises leçons ou lacunes de Bes24, mais bien pour offrir aux lecteurs du texte de Bes tel qu’il est paru dans le cadre du Online Froissart, revu et corrigé, un supplément d’information critique, textuel et philologique. Nous n’ambitionnons pas tant de fournir une « édition critique » définitive de la « première rédaction »25, mais bien de mettre à la disposition de chercheurs nos successeurs un texte fiable de celle-ci, enrichi par un choix de leçons sélectionnées sur des témoins jugés proches pour s’écarter à chaque fois de Bes de manière significative ou intéressante. Nous espérons que cet outil leur sera d’une modeste utilité lors de leurs propres analyses de la tradition textuelle du troisième Livre des Chroniques. Quant aux éventuelles erreurs que comporteraient encore la transcription que voici ainsi que nos leçons et variantes collationnées, nous en endossons bien sûr la seule responsabilité.

Ne paraît ici encore que le texte collationné et commenté des premiers 32 chapitres du Livre III d’après Bes, ff. 201-274. Nous espérons qu’il nous sera ménagé suffisamment de temps et de patience pour mener à terme le travail de collationnement entamé ici. En attendant, la suite du texte de Bes, dans une version nouvellement revue et corrigée, peut être lue dans son intégralité au Online Froissart.

Manuscrits collationnés avec Bes :

– B88, Bruxelles, ms. II 88 (dit « de Boxmeer »), qui – selon J. Kervyn de Lettenhove – a appartenu à Enguer­rand de Coucy (mort en 1396 à la bataille de Nicopolis)26.

– L67, Londres, British Library, ms. Arundel 67, t. III.

– Cam, Cambridge, University Library, ms. Hh.3.16, feuille de garde (fol. vii). Fragment (partie supé­rieure du premier feuillet) du Prologue du Livre III se trouvant dans la reliure d’un manuscrit du Roman de Pontus et Sidoine  ; manuscrit du début du XVe siècle, exécuté par le copiste Raoul Tainguy.

– P475, Paris, BnF, ms. fr. 6475 (« très-ancien et offre un excellent texte » : K de L, I II-III, p. 268) ; fait partie d’un jeu des Livres I-III ; copié par Raoul Tainguy. Les alinéas dans ce manuscrit suivent de près ceux qu’on rencontre dans Bes.

– P53, Paris, BnF, ms. fr. 2653.

– PA89, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 5189, provenant de la bibliothèque des ducs de Bour­gogne.

Une particularité codicologique et paléographique revisitée

Les recherches de Godfried Croenen dans le cadre du Online Froissart et ailleurs ont apporté une plus grande précision quant à l’identification des copistes responsables du texte de Bes : le texte des cahiers 2 à 7 (main principale) et les rubriques des cahiers 27 à 36 sont le travail d’un copiste que Croenen désigne Bes-2-HB ; les cahiers 8 à 26, et 37 à 58 (fin) sont à attribuer au copiste C travaillant sous la direction du libraire Pierre de Liffol ; le copiste (main principale) responsable des cahiers 27 à 36 (à l’exception des rubriques) est Bes-2-HD ; le texte faisant suite immédiate aux minia­tures exécutées par le Maître du Boèce est le travail du copiste F travaillant, comme C, sous la direction du libraire Pierre de Liffol ; les colophons dans les livres II et III exécutés par une main contemporaine sont le travail de Bes-2-HE ; quelques corrections apportées au texte par une main elle aussi contemporaine sont le travail de Bes-2-Cor.

Nous venons de voir que le texte faisant immé­diatement suite aux miniatures exécutées par le Maître du Boèce est le travail du copiste F tra­vaillant, comme C, sous la direction du libraire Pierre de Liffol. Écrivant dans l’Introduction de notre édition de 2007, Croenen avait relevé un phénomène assez curieux :

Dans le deuxième volume (ms. 865), on note une particularité paléographique dont le sens nous échappe encore, mais qu’il convient quand même de mentionner. Dans la première partie du manuscrit (Livre II, ff. 1-200 et début du Livre III, ff. 201-239), le début des chapitres juste après les miniatures est invariablement copié par une autre main. Dans le cas des grandes miniatures, la page entière est copiée par cette autre main ; dans le cas des miniatures plus petites, seule une partie du texte s’en trouve copiée (le reste de la colonne ou un peu plus). Cette particularité codicologique ne se retrouve plus au-delà du 5e cahier de la deuxième partie (Livre III, la dernière fois au f. 239v)27.

Si nous examinons les quelques feuillets dans Bes portant une grande minia­ture, en nous penchant surtout sur leur texte, il s’avère instructif de comparer celui-ci au texte équivalent dans d’autres témoins de la « pre­mière » rédaction. Le début du prologue, tel qu’il se présente, par exemple, dans P475, est relativement plus élaboré28. Ceci est vrai en particulier de la portion de texte dans P475 équivalente à celle occupant la colonne B dans Bes : celle-ci affiche une concision syntaxique assez accusée. Le texte occupant la colonne A dans Bes (début du prologue), en revanche, est beaucoup plus proche du passage équivalent dans P475. A la version de Bes il manque en particulier la plupart des titres seigneuriaux de Gui de Blois cités dans la version de P475, et une partie du développement où le chroniqueur nous parle plus abondamment (dans cette version, toujours), de la longévité qu’il anticipe et pour son ouvrage et pour sa propre réputation d’écrivain. Au verso du feuillet 201 (colonne vA), le texte de Bes se rap­proche à nouveau de celui que nous lisons dans P475, et cela jusqu’à la fin du chapitre dans l’un et l’autre manuscrit29.

Comment rendre compte de cet abrégement ponctuel mais limité, attribuable à l’intervention du copiste F et que nous ne rencontrons pas dans les autres témoins de la « première » rédaction que nous avons pu consulter ? Des travaux conduits dans le contexte d’une série d’ateliers conjointement financés par la British Academy et le CNRS auxquels nous avons participés avec nos collègues des universités de Liverpool, Édimbourg, Nancy, St Andrews et Plymouth ont abouti à la formulation d’une explication plausible30.

Notons d’abord que le même trait se laisse reconnaître à propos de chacune des deux grandes miniatures ornant le troisième Livre dans Bes : aux ff. 201r et 239v. Au feuillet 201r, l’écriture de la colonne B semble avoir été grattée31 : nous sommes vrai­semblablement en présence d’un palimpseste, le copiste F ayant superposé au texte original, après effacement de celui-ci, une version nouvelle plus concise. Au feuillet 239v (grande miniature représentant sur deux colonnes en haut de la page la bataille d’Aljubarrota), le texte des colonnes A et B occupant l’espace sous la miniature semble avoir été sujet, lui aussi, à un abrégement. N’ayant pas à notre disposition l’exemplaire d’après lequel le copiste de Bes aurait transcrit son texte en l’abrégeant, nous pouvons à tout le moins confronter le texte de Bes lui-mêmeà celui d’un autre témoin de la « première » rédaction. De notre comparaison avec le texte équivalent dans Bre (ff. 62r-v) il ressort que la syntaxe de Bes est, pour les colonnes A à B, brusque et même laconique. Ce n’est qu’à partir des deux dernières lignes de la colonne B (« Bien est verité que la bataille dont je faiz mention,… » que le récit retrouve son homologie presque complète, au mot à mot, avec celui de la version de Bre (f. 62vB). Il en est de même si nous confrontons ce même bout de texte de Bes à celui de la « seconde rédaction »32, donc de P50. Dans l’édition de la SHF, nous sommes au début du chapitre 39 : « Le samedi faisoit bel, cler, chault et sery…»33. Le texte inaugurant ce chapitre dans Bes est encore une fois plus concis sur les deux colonnes A et B par rapport au texte équivalent dans P50 ; à partir des deux dernières lignes de la colonne B dans Bes, correspondant à SHF XII, p. 158, ligne 18 à p. 159, ligne 29, les deux versions se rapprochent au point qu’ils ne se distinguent que par quelques petites différences lexicales. L’homologie est pour ainsi dire rétablie, jusqu’à la fin du chapitre.

Il serait temps de tirer quelques conclusions de ces observations : l’hypothèse énoncée à la conclusion des ateliers pré-cités et formulée surtout par G. Croenen serait que le libraire aurait eu une raison matérielle le poussant à raccour­cir son texte. Peut-être le commanditaire du projet avait-il changé de dessin en prescrivant que les deux feuillets en question soient ornés, dans les cas qu’on vient de commenter, non plus d’une miniature n’occupant que le tiers d’une seule colonne – comme prévu au départ – mais bien d’une grande miniature occupant tout le haut de la page et donc une grande partie des colonnes A et B ? Le cas échéant, Pierre de Liffol aurait eu recours à un copiste bien rodé, expérimenté, et partant capable d’ef­fectuer un abrégement du texte original sans le déformer outre mesure, et sans laisser de sutures appa­rentes.

Bes contient au total quatre grandes miniatures. Qu’en est-il de la toute première, celle inaugurant le deuxième Livre dans ce manuscrit ? Au f. 1v nous croyons recon­naître les mêmes « symptômes » que ceux rencon­trés plus haut : une grande miniature qu’accom­pagne un texte laconique et vraisemblablement abrégé. Bien que ce manuscrit n’ait pas été copié, à notre connaissance, sur le ms. Leiden VGGF 9 (vol. 2), un des témoins les plus anciens du Livre II, il est instructif encore une fois de confronter ces deux versions. Comparé au début du chapitre tel qu’il peut se lire dans Leiden VGGF 9, f. 2r-v, le contenu des colonnes A et B du f. 1r de Bes nous paraît en résumer seulement l’essentiel. Une fois qu’on passe au verso du feuillet, en revanche, les deux textes se rapprochent, s’avérant presque identiques (à quelques différences lexicales près) pour le texte occupant – dans Bes – la colonne A du f. 1v34.

Pour ce qui est des miniatures n’occupant que le tiers d’une seule colonne, nous semblons avoir affaire, à nouveau, à un procédé d’abrégement par le copiste35, ne touchant cette fois que la colonne portant miniature. On peut comparer à cet effet les textes respectifs du f. 5r de Bes et  du f. 6v de L67 (vol. 2), ou bien le texte au bas de la colonne A du f. 151v de Bes et celui se trou­vant au f. 171r du ms. Leiden VGGF 9 (vol. 2) ; les textes « se rejoignent » à l’endroit où Bes passe à la colonne B.

Les interventions ci-dessus évoquées seraient révélatrices d’un aspect souvent négligé des pratiques pragmatiques de libraires comme Pierre de Liffol, et des copistes qu’embauchait celui-ci, tel F et ses confrères plus expérimentés.

Expositions et symposia

Depuis la parution du tome premier de notre édition chez Droz, deux expositions sur Froissart et ses Chroniques ont vu le jour. Aux Royal Armouries en automne 2007 et jusqu’au printemps de 2008 fut installée une exposition intitulée The Chronicles of Froissart mettant en scène les activités du chro­niqueur contre le fond de la guerre de Cent Ans36. Au cœur de l’exposition37, grâce à la générosité des autorités de Stonyhurst College, Clitheroe, Lanca­shire : le ms. 1 de la bibliothèque du collège, Livre 1er des Chroniques de Froissart. Le souvenir en est conservé sur le site du Online Froissart (« About the Project » > « Related Pro­jects »).

Du 2 avril au 4 juillet 2010 le Musée de l’Armée aux Invalides à Paris abritait une deuxième exposition, Jean Froissart chroniqueur de la guerre de Cent Ans38. Ce fut l’occasion pour un public dépassant 80 000 visiteurs de tous âges de décou­vrir exposés en côte à côte – grâce au soutien généreux de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque d’Étude et de Conservation de la Ville de Besançon – les manuscrits-jumeaux BnF fr. 2663-2664 et Besançon 864-865. De cette exposition le Online Froissart conserve lui aussi le souvenir (« About the Project » > « Related Pro­jects »).

  1. Jean Froissart, Chroniques, Livre III. Le manuscrit Saint-Vincent de Besançon, édité par Peter F. Ainsworth avec une étude codicologique par Godfried Croenen. Tome 1er. Droz, « Textes Littéraires Français » 594 (Genève, 2007).
  2. L67 présentait cependant des lacunes occasionnées par l’ablation de la presque totalité de ses enluminures, enlevant par conséquent des segments assez importants de texte écrits au verso de celles-ci.
  3. Godfried Croenen, ‘La tradition manuscrite du Troisième Livre des Chroniques de Froissart’, dans Froissart à la cour de Béarn : l’écrivain, les arts et le pouvoir, sous la direction de Valérie Fasseur, Brepols, coll. « Texte, Codex & Contexte » VII (Turnhout, 2009), Première partie : Les manuscrits, 15-59.
  4. Croenen, ‘La tradition…’, 22 ; notre confrère utilise les sigles employés par Alberto Varvaro et adoptés depuis par les spécialistes : A. Varvaro, ‘Il libro I delle Chroniques di Jean Froissart. Per una filologia integrata dei testi e delle immagini’, Medioevo Romanzo 19 (1994), 3-36.
  5. BnF ms. fr. 2650.
  6. J.M.B.C. Kervyn de Lettenhove, Œuvres de Froissart publiées avec les variantes de divers manuscrits, éd. Kervyn de Lettenhove, t. III-III, Académie royale de Belgique (Bruxelles, 1873), « Introduction. Seconde partie : Recherches sur l’ordre et la date des diverses rédactions des Chroniques », 1-184 ; ici 147 et 168.   
  7. Voir L. Mirot, « Avant-propos », dans Chroniques de J. Froissart, éd. L. Mirot, t. XII (Paris, 1931), VII-IX.
  8. Croenen, ‘La tradition…’, 22 et 25.
  9. A. Varvaro, La Tragédie de l’Histoire. La dernière œuvre de Jean Froissart, Classiques Garnier, coll. « Recherches littéraires médiévales » 8 (Paris, 2011), 17.
  10. Varvaro, La Tragédie de l’Histoire, 11-12. Pour le Livre IV on consultera désormais Jean Froissart, Chroniques de France et d’Angleterre, Livre Quatrième, édition critique par Alberto Varvaro, Académie royale de Belgique, classe des Lettres (Bruxelles, 2015).
  11. Croenen, ‘La tradition…’, 25 : il s’agit en particulier des chapitres racontant la campagne française en Gueldre et le mariage du duc de Berry à Jeanne de Boulogne. P50 fut exécuté vers le milieu du XVe s.
  12. Croenen, ‘La tradition…’, 57 : Los Angeles, J. Paul Getty Museum, ms. Ludwig XIII 7. Manuscrit provenant de la deuxième moitié du XVe s. et exécuté dans les Pays-Bas méridionaux ; provenant de la bibliothèque de William, lord Hastings, puis du roi Édouard IV d’Angleterre.
  13. Croenen, ‘La tradition…’, 57 : Cambridge, University Library, ms. Hh.3.16, feuille de garde = fol. VII, fragment du Prologue du Livre III. Manuscrit du début du XVe s. ; exécuté par le copiste Raoul Tainguy.
  14. A. Varvaro, ‘Il libro I delle Chroniques di Jean Froissart‘ (1994) et ‘Problèmes philologiques du Livre IV’ des Chroniques de Jean Froissart’, Patrons, Authors and Workshops : books and book production in Paris around 1400, G. Croenen et P. Ainsworth (éds), Peeters, coll. Synthema 4 (Louvain, 2006), 255-77.
  15. Croenen, ‘La tradition manuscrite’, 26-7
  16. Croenen, ‘La tradition…’, 27 (§§ 5, 139-40 et 225-6, au regard surtout des mss Tor et B88).
  17. Ant, B88, Ber, Bes, Bre, Cam, LR5, Mon et PA89.
  18. Collationnement partiel des rubriques de L67, P475 et les autres membres de la famille α.
  19. Croenen, ‘La tradition…’, 26-7 ; presque tous les chapitres sélectionnés sont présents et dans la « première » et dans la « seconde » rédaction. Les exceptions en sont les §§ 306-7 (texte différent dans P50) et § 308 (complètement absent de P50). Quant au prologue, dans plusieurs des manuscrits conservés celui-ci est mutilé (p. ex. à cause de l’enlèvement de la miniature d’ouverture) mais il est conservé dans quelques manuscrits fragmentaires.
  20. Croenen, ‘La tradition…’, 27-54.
  21. Source : G. Croenen, La tradition manuscrite du Troisième Livre des Chroniques de Froissart, in V. Fasseur (éd.), Froissart à la cour de Béarn : l’écrivain, les arts et le pouvoir (Turnhout, 2009), p. 59 ; reproduit avec l’aimable permission de l’auteur et de Brepols Publishers.
  22. Id., 55.
  23. Nous avons imprimé en Annexe – aux pp. 419-21 de notre édition de 2007 – le prologue de P50. Dans le corps de notre transcription de Bes, nous avons adopté une seule leçon de P50 nous semblant éclairer, à un endroit précis, le sens de Bes : voir p. 270, variante p. En conclure que notre édition aurait un caractère bédiériste nous semble  déplacé.
  24. Comme ce fut le cas dans notre édition de 2007 pour les Éditions Droz.
  25. Le terme ‘édition critique’ nous semble en tout cas sujet à caution, appliqué à ce genre de texte historique au Moyen Âge.
  26. Premier feuillet du Livre III plus quelques autres contenant des épisodes ultérieurs. Le premier feuillet porte une miniature bipartite mettant en scène des épisodes rarement représentés dans des manuscrits enluminés du Livre III : (1) le dîner pendant lequel Gaston Fébus fait donner à un lévrier (ici déjà mal en point) le poison trouvé sur son fils (l’autre fils, ayant dénoncé son frère, taille devant le comte), et (2) Gaston Fébus levant le regard vers la fenêtre d’un donjon où paraît la figure du fils emprisonné, soupçonné de tentative d’assassinat. Comme l’a éclairé G. Croenen, les armoiries de Coucy en bas du feuillet ont été ajoutées après coup, à une époque peut-être bien plus tardive ; quant à la datation du manuscrit lui-même, une date entre 1410 et 1415 serait à notre avis plausible.
  27. Jean Froissart, Chroniques, Livre III. Le manuscrit Saint-Vincent de Besançon, édité par Peter F. Ainsworth avec une étude codicologique par Godfried Croenen. Tome 1er. Éditions Droz, « Textes Littéraires Français » 594 (Genève, 2007), 54-5.
  28. Une comparaison avec L67 n’est pas possible, le début du manuscrit étant endommagé : lui manque la portion de texte que nous aurions voulu mettre en examen.
  29. Cela vaut aussi pour une comparaison de la sorte effectuée auprès du texte du prologue au troisième Livre rencontré dans d’autres témoins de la « première » rédaction, encore qu’ils relèvent de séries différentes : Ant = Anvers, musée Plantin-Moretus, ms. M 15. 6 (manuscrit de la deuxième moitié du XVe s., provenant de la bibliothèque de Jean de Montmorency), ff. 1r-v ; Bre = Staatsbibliothek zu Berlin, Preußischer Kulturbesitz, ms. Rehdiger 3 (dépôt Breslau I, t. 3 ; manuscrit copié ca. 1468-69, Pays-Bas méridionaux, provenant de la bibliothèque d’Antoine de Bourgogne), ff. 1r-v ; B88 = Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. II 88, f. 16r-v ; LR5 = Londres, British Library, ms. Royal 14 D. V (manuscrit de la deuxième moitié du XVe s., Pays-Bas méridionaux, provenant de Sir Thomas Thwaytes, puis du roi d’Angleterre Édouard IV), ff. 8r-v ; Lud = Los Angeles, J. Paul Getty Museum, ms. Ludwig XIII 7 (manuscrit de la deuxième moitié du XVe s., Pays-Bas méridionaux, provenant de la bibliothèque de William Lord Hastings, puis du roi d’Angleterre Édouard IV), ff. 9r-v ; H84 = Hanovre, Niedersächsische Landesbibliothek, ms. XXVI 1584 (P. III ; manuscrit de la fin du XVe s.), ff. 1r-v ; PA89 = Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 5189 (manuscrit de la deuxième moitié du XVe s., Pays-Bas méridionaux, provenant de la librairie des ducs de Bourgogne), ff. 1r-v ; et Rou = Rouen, Bibliothèque municipale, ms. 1150 (manuscrit de la fin du XVe s.), ff. 7v-8v, pour ne citer qu’eux.
  30. Soulignons ici que c’est à G. Croenen que revient en entier le mérite d’avoir repéré en premier lieu l’anomalie textuelle et codicologique que nous commentons.
  31. Le rectangle qu’occupe le texte de la colonne B est sensib­lement plus sombre que celui qu’occupe la colonne A.
  32. Bes (troisième Livre) n’a pas, bien évidemment, été copié d’après P50, seul témoin subsistant de la « seconde rédaction » ; mais la comparai­son des deux textes n’en est pas moins intéressante.
  33. SHF XII, § 39 ; pp. 156-9.
  34. Voir aussi le f. 133v, où nous trouvons le récit de la bataille de Westrosebeke, encore une fois abrégé.
  35. Mais la main diffère, dans ces cas, d’un endroit à l’autre.
  36. Commissaires : Karen Watts et Peter Ainsworth.
  37. Compte-rendu de G. Rimer, éditorial de Arms & Armour, 5, no. 1 (2008), 3–5 : ‘In December 2007, the keenly anticipated exhibition The Chronicles of Froissart, opened at the Royal Armouries in Leeds. This exhibition sought to highlight how the same texts by Jean Froissart relating to the Hundred Years War were exquisitely but selectively illustrated to attract buyers in both England and France. Central within it was the stunningly beautiful Froissart manuscript owned by Stonyhurst College, in Lancashire, and around this were many beautifully prepared information panels giving information about the creation, content and purpose of the manuscripts. The exhibi­tion was prepared by Karen Watts, Senior Curator of Armour, in close collaboration with a number of distinguished academics from Sheffield University, led by the noted Frois­sart scholar, Profes­sor Peter Ainsworth. Created by the Royal Armouries’ own designer, Graham Moores, and placed in the recently created special exhibitions gallery on the museum’s fifth floor, the exhibition proved very successful. Pieces of arms and armour from the period from the Royal Armouries collections were placed within it, and fascinating interactive screens gave visitors the opportunity to scan each wonderfully illuminated page of (…) seven surviving Froissart manuscripts. The exhibi­tion succeeded in attracting many visitors, who had a unique opportunity to see this breathtaking assemblage of medieval historical illustration’.
  38. Commissaires : Karen Watts, Peter Ainsworth et Olivier Renaudeau. Blog de Jean-Luc Deuffic, Pecia : « L’exposition Jehan Froissart, chroniqueur de la guerre de Cent Ans est une occasion exceptionnelle de découvrir l’art et le talent des ateliers d’enluminure médiévaux, au travers de précieux manuscrits copiés et enluminés entre 1408 et 1418, grâce au libraire parisien Pierre de Liffol. Pour mieux comprendre cet art de l’enluminure, un espace de l’exposition est consacré à l’art du livre au début du  XVe siècle, ainsi qu’aux instruments et aux pigments utilisés par les peintres pour nous transmettre leur témoignage, en regard des textes du célèbre chroniqueur … et de façon interactive. Ponctuant le parcours de l’exposition, des bornes multimédia sont accessibles librement proposant à chacun de s’immerger au cœur de ces fascinants manuscrits. Grâce au programme de numérisation en très haute définition mis au point par l’université de Sheffield (Angleterre), nommé Virtual Vellum (Vélin Virtuel), et au logiciel Kiosque spécialement conçu pour l’événement, le visiteur peut « feuilleter » l’intégralité de plusieurs ouvrages conservés dans de grandes bibliothèques occidentales – en particulier les Chroniques conservées à la Bibliothèque na­tionale de France et la Bibliothèque municipale de Besançon – et apprécier en détails la finesse de ces enluminures. C’est à une véritable exploration, au cœur des richesses cachées de ces manuscrits, que le visiteur est convié.»